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LA SOCIÉTÉ MOURANTE

c’est-à-dire par une certaine catégorie d’individus qui payaient les impôts plus élevés. Plus tard, il fut question d’y adjoindre les « capacités », c’étaient les bourgeois déclassés qui réclamaient.

Mais tout cela ne pouvait avoir longue durée. Du moment que l’autorité était mise en discussion, elle perdait de sa force, et ceux qui ne prenaient pas part au choix des maîtres, ne tardèrent pas à réclamer le droit de donner leur avis dans ce choix.


La bourgeoisie, qui redoutait le peuple, ne voulait faire aucune concession ; elle tenait le pouvoir, elle voulait le garder ; les travailleurs, pour avoir le suffrage universel, durent faire une révolution. Les bourgeois qu’ils portèrent au pouvoir s’empressèrent de leur chicaner ce droit acquis et de rogner les ongles à ce monstre qu’ils pensaient devoir les dévorer. Ce ne fut qu’à la longue, à force de le voir fonctionner qu’ils comprirent qu’il n’était pas dangereux pour leurs privilèges, que ce n’était qu’une guitare dont il fallait savoir jouer, et que cette fameuse arme de revendication que les travailleurs croyaient avoir acquise — ils l’avaient payée de leur sang — n’était qu’un instrument perfectionné de domination qui asservissait ceux qui s’en servaient alors qu’ils croyaient s’émanciper.

En effet, qu’est-ce que le suffrage universel, sinon le droit, pour les gouvernés, de choisir leur maître ; le droit de choisir les verges oui doivent les fouet-