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ET L’ANARCHIE

que d’autres, de par le fait de l’organisation sociale vicieuse où nous vivons, peuvent en souffrir. La bourgeoisie a, dans son sein, des individus chez lesquels la sensitivité est, certainement très développée ; quand les influences de milieu, d’éducation, d’hérédité leur laissent le loisir de réfléchir aux misères et aux turpitudes sociales, quand ils peuvent se rendre compte de leur existence, ils essaient de remédier, autant que possible, à la misère, par la charité. D’où les œuvres philanthropiques. Mais l’habitude de croire la société normalement constituée, l’habitude de considérer la Misère comme éternelle, comme le produit de l’inconduite du travailleur, engendre le caractère sec, inquisitorial de la philanthropie.

C’est que, pour l’homme né, éduqué, développé dans les serres chaudes du bien-être, du luxe, il est très difficile, impossible même, à moins de circonstances exceptionnelles, d’arriver à douter de la légitimité de la situation dont il jouit. De la part du parvenu, difficulté plus grande encore, car il croit devoir sa situation à son talent et à son travail. La religion, la suffisance et les économistes ont tellement affirmé que le travail était une punition, que la misère était le fait de l’imprévoyance de ceux qui y sont en proie, comment voulez-vous que celui qui n’a jamais eu à lutter contre l’adversité ne se croie pas d’une essence supérieure ? Du jour où il vient à en douter, où il se met à étudier