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LA SOCIÉTÉ MOURANTE

suffisance de croire arriver à démêler la vérité dans une affaire dont on ne connaît ni les débuts, ni les acteurs, ni les mobiles qui ont fait agir ceux-ci, et qui n’arrive au tribunal que grossie, commentée, dénaturée par les gloses de ceux qui y ont participé d’une manière quelconque, ou, le plus souvent, ne l’ont entendu que raconter par d’autres ?

Vous qui vous posez en juges sévères et infaillibles de cet homme qui a tué ou volé, savez-vous quels sont les mobiles qui l’ont fait agir ? Connaissez-vous les circonstances de milieu, d’hérédité ou même de hasard qui ont influé sur son cerveau et l’ont amené à commettre l’acte que vous lui reprochez ? Vous les hommes implacables qui lancez l’anathème sur le « justiciable » que la force publique amène à votre barre, vous êtes-vous jamais demandé si, placés dans le milieu et les circonstances où cet homme agit, vous n’auriez pas fait pis ? Quand même vous seriez les hommes impeccables, austères et sans tache que vous êtes censé paraître, vous qui, d’un mot, tranchez impitoyablement les vies et les libertés humaines, vous n’oseriez prononcer vos arrêts si vous aviez bien réfléchi à la fragilité humaine ; si vous étiez conscients de ce que vous faites, vous reculeriez épouvantés devant votre besogne !

Comment vos nuits ne seraient-elles pas troublées par les cauchemars ? comment vos rêves ne seraient-ils pas peuplés des spectres des victimes