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des imbéciles pour proposer de prendre les mécontents, de les embarquer pour une île quelconque, avec une pacotille d’outils et de les mettre à même d’expérimenter ainsi leur projet de société.

Ceux qui ont trouvé cette solution sont bien aimables, mais leur proposition est une belle plaisanterie, qu’ils nous permettent de le leur dire s’ils ne s’en doutent pas.

Que l’on s’imagine plusieurs individus en présence d’un héritage composé de vastes terrains de culture des plus productifs, d’une maison d’habitation pourvue de toutes les commodités de l’existence les plus nouvelles, d’un assortiment de tout ce que le génie humain a pu inventer, d’une bibliothèque contenant tous les chefs-d’œuvre de la littérature, toutes les découvertes de la science, et que, lorsqu’il s’agirait de jouir en commun de cet héritage, quelques-uns des héritiers viendraient tenir à leurs collègues le langage suivant :

« Nous avons hérité ensemble, cela est vrai, mais nous avons été élevés en cette maison et avons toujours joui du luxe qui y est réuni, sans jamais rien faire ; vous autres étiez occupés seulement à faire marcher les machines, à cultiver les terres, à construire la maison dont nous héritons, vous ne pouvez avoir la prétention de vivre sur le même pied que nous. Il faut du monde pour cultiver ces terres, pour réparer ces machines, entretenir cette maison ; si vous pouviez en jouir comme nous, vous ne voudriez plus travailler, chose que nous sommes bien décidés à ne pas faire non plus. Vous êtes les plus nombreux, si nous en venions aux mains, nous pourrions bien ne pas être les plus forts, mais, tenez, nous sommes bons