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pour se transformer en un simple sac digestif. Tel est déjà l’état de la bourgeoisie, tout au moins comme classe, sinon encore, comme individus.

Ce qui, dans la société actuelle, fait la force, ce ne sont ni les facultés physiques, ni les facultés morales et intellectuelles, c’est tout simplement l’argent. On peut être scrofuleux, rachitique, idiot, difforme au physique et au moral, si on a de l’argent, des relations avec ceux déjà arrivés, on peut prétendre à tout, on est sûr de trouver femme pour faire souche d’une lignée qui vous ressemble.

Mais le prolétaire, lui, fût-il né avec un cerveau d’une capacité hors ligne, cela ne lui servira de rien si ses parents n’ont pas eu les ressources suffisantes pour lui donner l’instruction qui devait développer son intelligence. Parvînt-il à acquérir cette instruction, s’il n’a pas les moyens de la faire valoir, il ira grossir le nombre des déclassés ou devra se contenter d’une situation inférieure chez un exploiteur qui ne le vaudra pas, mais qui possédera ce qui lui manque : le capital. Il devra renoncer à donner la mesure de ce dont il eût été capable de produire.

Fût-il doué de tous les avantages physiques, un travail prématuré, les privations et la misère, le ploieront avant l’âge et si, par hasard, il trouve quelque malheureuse qui consente à lier son sort au sien, ce ne sera que pour donner naissance à des êtres chétifs et malingres ; car le travail forcé de la femme et son dépérissement viendront s’ajouter à celui de l’homme pour contribuer à l’abâtardissement de la race. Elle aussi, les trois quarts du temps, les nécessités du ménage l’y forçant, elle devra travailler, tant qu’elle peut tenir sur ses jambes, rester à l’atelier, tant que les