Page:Grave - La Société future.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du progrès s’il devait continuer à en être la victime.

Mais nous verrons plus loin qu’une société, où l’homme serait assuré de la satisfaction intégrale de tous ses besoins, loin d’être une entrave au progrès, lui viendrait, au contraire, en aide, car la nature de l’homme est de se créer des besoins nouveaux, au fur et à mesure qu’il trouve la facilité de satisfaire ses fantaisies. Pour le moment, contentons-nous de prouver que la société actuelle, loin de réserver ses jouissances aux plus intelligents, aux plus aptes, aux plus forts, à ceux qui doivent contribuer à l’amélioration de la race humaine, ne les réserve, au contraire, qu’à une classe d’individus dont le succès assuré est un facteur de décadence pour la classe dont ils font partie, mais aussi pour l’humanité tout entière.

Tant que la bourgeoisie eut à lutter contre la noblesse, tant qu’elle eut à combattre pour conquérir sa place au soleil, elle a forcément développé des qualités qui lui ont permis d’arriver à ce qu’elle voulait, et d’acquérir ce pouvoir, but suprême de ses convoitises ; mais une fois parvenue à ses fins, il lui est arrivé ce qui arrive dans le règne animal à tout parasite, notamment à certains crustacés, cités par Haeckel, dans son Histoire de la Création, qui vivent sur le dos de mollusques et dont les larves sont plus développées que l’animal parfait ; l’animal parfait, une fois installé sur le dos de son hôte, perd tous ses moyens de locomotion pour développer des tentacules qui lui servent à s’attacher à celui qu’il doit exploiter, et à en tirer sa nourriture. Après avoir été un animal agissant, nageant, luttant, il perd toutes ces facultés