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homme, et ceux qui ont réellement quelque chose dans le ventre ressortent toujours ». Il est à noter que ceux qui émettent cet aphorisme, ont « tout ce qui leur faut », il est vrai que par contre ils ne font jamais rien ressortir. Mais, pour un, véritablement doué, qui triomphe des difficultés, combien périssent étouffés par la misère et encore, celui qui y échappe n’y resterait-il pas, si le plus souvent quelque circonstance fortuite, indépendante de son talent et de sa volonté, ne venait lui apporter une planche de salut ? Certes, la misère trempe les hommes, mais parfois lorsqu’elle est excessive combien elle en tue, et des mieux doués, qui, dans des conditions meilleures auraient pu s’épanouir en talents merveilleux. Qui remplacera jamais les belles années perdues de la jeunesse passées à engraisser l’exploiteur, qui lui, se contente de faire du lard ?

Ce n’est pas encore tout d’être sorti de l’ombre, il faut pouvoir répandre son œuvre, il faut pouvoir vivre de son talent. On a en tête l’œuvre que l’on rêve, on la sent palpiter sous la pensée, les doigts frémissent de l’étreindre… mais la huche est vide, le ventre creux, parfois il y a des enfants qui demandent du pain, il faut travailler pour vivre, avant de penser à l’art. Et l’œuvre est abandonnée pour des jours meilleurs, on accepte de faire, pour l’entrepreneur qui paie, l’œuvre qui se vend, jusqu’au jour où l’on s’aperçoit que l’idée est envolée et que l’on n’est plus qu’un simple manœuvre.


Les récréations vraiment artistiques ne sont de nos jours réservées qu’à une infime minorité de privilégiés qui doivent leur situation à des circonstances