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ne venez pas nous rompre la tête avec vos billevesées d’égalité ! »

Et les imbéciles — qui ne sont pas les derniers à se croire des êtres supérieurs — d’opiner du bonnet, de proclamer bien haut que l’inégalité est une loi naturelle parmi les hommes, que c’est une folie de croire qu’un savetier puisse valoir, intellectuellement, un monsieur qui pond des bouquins que personne ne lit. C’est ce que nous allons étudier.


D’abord qu’est-ce que l’intelligence ? c’est ce que n’ont jamais cherché à expliquer ceux qui se proclament « l’élite intellectuelle ». Pour eux, l’intelligence, c’est d’être en place, d’avoir des situations officielles qui vous mettent au-dessus des voisins, une situation de fortune qui vous permet de trouver tout ce dont vous avez besoin, sans avoir à coopérer à la production, d’avoir le toupet de parler de choses que l’on ne comprend toujours pas. Être toujours du côté du manche, voilà leur intelligence.

L’intelligence, pourtant, est autre chose, et voici ce qu’en dit M., Manouvrier, un savant qui, lui, ne se laisse pas leurrer par des mots, n’est pas hanté par le pédantisme de ces soi-disant intelligences, et est un de ceux qui savent le mieux analyser les opérations intellectuelles :

« L’intelligence considérée en elle-même in abstracto, est une correspondance entre des relations internes et des relations externes. Cette correspondance ou cet ajustement, cette adaptation, dans son évolution zoologique, croît en espace, temps, variété, généralité, complexité. Telle est la définition donnée et admirablement développée par H. Spencer. Une évo-