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capitalistes » — ce sont toujours les économistes qui parlent — que cela produirait-il à chacun ? Une misère ? Ne vaut-il pas mieux que les uns continuent à avoir tout et que les autres continuent à crever de faim ? Ces derniers ont au moins la satisfaction de avoir que la part dont ils sont frustrés contribue à augmenter le bien-être d’une classe d’individus bien intéressante, allez ! — nous en sommes — et qui est l’élite de l’humanité. »

Ils ont même fait le calcul de ce que ce partage pourrait rendre. M. Novicow[1] estime toute la fortune de la France à 200 milliards. Partagée entre tous ses habitants, il trouve que cela ferait environ 21,000 fr. pour une famille, de quatre personnes. Et 21,000 fr. pour une famille ça serait encore la misère. M. Novicow en conclut que ça ne vaut pas la peine de partager. Que la misère est une chose indépendante du capital, que tout est, sinon pour le mieux, tout au moins aussi bien que ça peut être.

N’en déplaise à M. Novicow qui est, paraît-il, un très riche banquier, tout le monde n’éprouve pas le même dédain aristocratique que lui pour de si petites sommes. 21,000 fr. placés à 3 % rapporteraient encore 630 fr. par an. 630 fr. ne pourraient faire vivre une famille sans travailler, cela est évident, mais que le salaire des familles ouvrières se trouvât ainsi augmenté de six cents francs, ça serait beaucoup plus que certains n’osent demander.

Les fortunes ainsi nivelées, il n’y aurait plus de luxe, c’est vrai, mais il n’y aurait plus d’individus crevant de faim, cela mérite considération.

  1. Les luttes entre sociétés humaines, 1 vol. chez Alcan.