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cherchaient qu’à tirer de lui le plus de travail possible, en le condamnant à la morne besogne éternellement répétée, sans lui apprendre le métier.

De son côté le père Caragut étant parvenu, en travaillant chez un ami qui n’en savait guère plus que lui, à faire, tant bien que mal, quelques paires de chaussures pour la famille, l’idée le prit de se mettre cordonnier et il retira son fils d’apprentissage sans se demander si cela nuirait à son instruction professionnelle.

Caragut se rappelait les massacres opérés par son père et par lui sur les chaussures que d’imprudents patrons leur avaient confiées, et l’empressement avec lequel on leur rendait leur livret, dès la deuxième ou la troisième livraison.

Le mal, en somme, n’eût pas été bien grand, et ces échecs successifs lui étaient plus profitables que d’opérer toujours le même travail chez ses patrons d’apprentissage, mais à chaque renvoi c’était, de la part du père, un surcroît d’engueulades et de torgnoles. N’était-ce pas de la faute du fils si le travail était mal fait ? le père se croyant impeccable.

Alors intervenait la figure douce et triste de la mère, cherchant, autant que possible, à protéger son enfant contre les injustices paternelles.

Il avait quinze ans, environ, lorsque survinrent le Siège et la Commune. Subissant l’influence gé-