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On s’entonnera, à côté de son voisin, un litre ou deux sans seulement penser à lui en offrir un verre. Qu’il crève de faim ou de soif, c’est son affaire ; chacun pour soi au régiment !

La privation rend égoïste et gourmand ; l’absence de tout travail méritant véritablement ce nom, rend fainéant ; l’habitude de la discipline et l’obéissance aux caprices des gradés rend couard, et de là à être cafard il n’y a qu’un pas ; le manque de femmes rend libidineux en parole et en action : « l’armée est une famille » ! Une famille, oui, mais il y a certaines familles dont les rejetons ne sont pas des plus sains.


Trois heures et demie venaient de sonner. Depuis qu’elle était partie de Pontanezen, la colonne avait parcouru quarante kilomètres effectifs qui, avec les marches dans les chemins creux, le pas gymnastique que, à diverses reprises, il avait fallu « piquer », en valaient bien quarante-deux ; le froid, le chaud, et la soif, avaient plus fatigué les hommes que d’autres fois une étape plus longue. Et le bataillon arpentait encore la route.

Les hommes excédés marchaient péniblement, les officiers n’essayaient même plus de les encourager. Le gros Paillard avait dû lâcher pied et passer le commandement au sergent-major Chapon