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Paillard, le capitaine de la 28e était une de ces vieilles brisques qui, avec son gros ventre éprouvait de grandes difficultés à suivre la colonne, il ne dérageait pas ; aussi, quand la 28e se mit, après les autres à chanter le refrain :

« J’ai baisé trois fois la femme du caporal. »

Paillard, laissa bien chanter, mais quand on arriva à la femme du capitaine, il sermonna la compagnie : il n’était pas convenable de chanter de pareilles gravelures…… que ce n’était guère respectueux envers les chefs… qu’il y avait bien d’autres chants moins obscènes…. etc., etc.

Cet homme !.. il n’avait pas bronché à d’autres gravelures bien plus raides que celle-là. Mais cela froissait sa dignité que, fut-ce en chanson, sa compagnie osât baiser sa femme. — Et la hiérarchie, donc !

Cette mercuriale eut pour effet d’arrêter, pendant quelques instants, l’effervescence à la 28e, mais, tout doucement, quelques hommes se risquèrent derechef à faire écho aux refrains qu’ils entendaient derrière eux, et, l’instant d’après, toute la compagnie clamait de plus belle et les couplets se succédaient sans interruption.

Du moment qu’il n’était plus question de la femme du capitaine ni d’aucun gradé, Paillard