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— Silence dans les rangs ! répétaient les serre-files, tas de pies borgnes, allez !

— À ce qu’il paraît, on nous range aujourd’hui dans la volaille, dit un autre malin.

— C’est pour changer. Ne nous range-t-on pas, parfois, dans les animaux à poil…

— Ou à soie !….

— Silence, nom de Dieu ! firent les officiers. Sergents ! vous prendrez les noms de ceux que vous « verrez » parler.

Enfin les clairons cessèrent de sonner. L’ordre de mettre l’arme à la bretelle et de reprendre le pas de route, s’égrena le long de la colonne. On était sorti du village. La route s’allongeait nue et interminable sous les pas des soldats qui se demandaient si on était sur le chemin de la caserne.

L’adjudant-major, Raillard, qui était resté à l’arrière-garde pour molester quelques retardataires, se hâtait d’aller reprendre sa place, à portée du commandant.

En route, il avisa un soldat qui traînait la jambe.

— Qu’est-ce que vous avez ? fit-il du ton agréable qui caractérise les rapports d’un supérieur à un inférieur.

— Je suis fatigué, mon capitaine, je suis blessé au pied.

— Fatigué ! blessé ! fit Raillard d’un ton de su-