Page:Grave - La Grande Famille.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.

corvée apportèrent la soupe que l’on mangea presque froide.

Puis, la nuit tombée, le froid se faisant sentir plus piquant, les hommes se pressèrent autour du poêle bourré de bois, ressassant leurs papotages bèbêtes habituels.

Vers les dix heures, Caragut dut reprendre son fusil et retourner en faction. Il fut placé dans un endroit nommé la Poudrière, la consigne étant de ne laisser passer personne sans le mot d’ordre.

Le froid augmentait, mais la nuit était belle, la pâle clarté de la lune ne laissait aux objets qu’une forme indécise, peuplant les environs de fantômes immobiles.

Le mouvement avait cessé dans le port ; le silence n’était plus troublé que par quelques cris de : « qui-vive ! » des sentinelles ou le clapotement des avirons d’une barque de ronde faisant sa tournée.

Les étoiles brillèrent au ciel, Caragut s’accota à sa guérite et contempla leur lumière vacillante que semblait agiter une brise légère. Et là, perdu dans sa rêverie, il rumina pour la combien de fois, les amertumes du métier, songeant mélancoliquement qu’il n’en était encore qu’au début.

Ce fut le froid qui l’arracha de ses songeries. Transi, les mains glacées, malgré la précaution