Aussi, lorsqu’ils ont de l’argent, les malheureux se rattrapent sur le tafia et la mauvaise eau-de-vie de cidre — de grain plus sûrement — qui se vend en quantité à Brest. Cela saoule vite et à bon marché ! Et les soirs de paie, bien avant que la nuit soit tombée, il n’est pas rare de rencontrer des ouvriers ivres-morts, couchés dans le ruisseau. Ce qui n’a rien d’étonnant ni d’excessif, cela est fatal même, étant données les privations auxquelles ils sont astreints.
Comme les soldats, les ouvriers de l’armurerie et de l’artillerie ont leur bon de tabac qui donne le droit de fumer, pour trois sous, les cent grammes de tiges et de nervures de feuilles que leur accorde la munificence gouvernementale tous les dix jours.
Les ouvriers des constructions navales, eux, n’ont pas droit au tabac, mais ils achètent les bons que carottent les fourriers et les sergents-majors.
Mais ce qui avait le plus frappé Caragut, c’était, lors de la première garde qu’il avait montée, un spectacle inattendu.
Il faisait partie du poste occupant la « Grille du Bassin » (de son vrai nom, Grille Tourville), située sur la rive gauche de la Penfeld. Le détachement arrivait de Brest et était à peine débarrassé de son attirail, midi venait de sonner. Caragut éloigné du poste de quelques pas, était absorbé dans la con-