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bien évident que nous ne verrons jamais cette entente tant que nous serons assez bêtes pour nous laisser réduire à l’esclavage sous prétexte de défense nationale.

Les promeneurs marchèrent quelque temps en silence, ruminant les réponses de chaque interlocuteur ou cherchant de nouvelles réflexions à produire.

Caragut reprit la discussion.

— Oui, de même que l’on dresse des coqs au combat, des chiens de lutte pour amuser de leur férocité une galerie de parieurs stupides, on nous exerce et on nous habitue à donner ou recevoir la mort sans en connaître la raison, sans que nous ayons à discuter du lieu, de l’heure, ni du moment où il plaira à nos maîtres de nous envoyer à la tuerie. Nous sommes les pions que l’on pousse sur l’échiquier. Comme eux nous devons être aussi passifs, ne devant sortir de notre passivité que pour donner la mort à ceux que l’on nous oppose.

Pendant cinq ans on nous habituera à cette besogne, on nous exercera à tirer parti des armes meurtrières que l’on nous met entre les mains. Et notre abrutissement est tel que nous ne savons pas les faire servir à notre délivrance. Nous brûlons de les planter dans la poitrine d’individus que nous n’avons jamais vus, qui ne nous connaissent pas