Page:Grave - La Grande Famille.djvu/253

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mière, on nous arrache à l’affection des nôtres et on nous isole de nos semblables.

Nous aurions voulu apprendre tout ce qui se déroule à notre intelligence, et on nous brise le cerveau pour le modeler à un métier de brute.

Nous sommes impatients de toute entrave, ce que nous voulons, c’est pouvoir user librement de nos facultés ! on nous courbe sous la discipline.

Nous sommes dans l’âge où l’amour nous talonne, où nous ne demandons qu’à nous répandre en caresses, à créer de nouvelles existences, on nous met un fusil dans les mains, et on nous dresse à donner la mort.

Lorsqu’un individu, soit dans un but de lucre, soit par un acte irraisonné, sous la pression de la colère d’un instant, arrache la vie à un de ses semblables, on l’arrête, on l’enferme, on le juge, on le condamne et on l’exécute pour lui apprendre qu’il ne doit point tuer ; tout meurtrier est couvert de réprobation. Et, à nous, tous les jours, à toute heure, on nous enseigne les différentes manières de donner la mort ; on brise notre volonté pour que, machines stupides, nous marchions au gré de ceux qui nous dirigent, sans discuter les actes qu’il leur plaira de nous faire accomplir. On nous tue si nous refusons de nous plier.

— Tout cela est bel et bien, fit Brossier, mais ce