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Mais comme ils étaient encore loin du but de leur promenade, après avoir jeté un coup d’œil à l’admirable tableau qui s’étalait à leurs yeux, Brossier et ses pays se remirent en route, observant qu’il leur restait nombre de kilomètres à faire encore, et qu’on n’avait pas le temps de s’attarder. Caragut s’arrachant à regret au spectacle qui le captivait, dut, forcément, leur emboîter le pas. On côtoya quelque temps encore la mer, puis le chemin les ramena au milieu des champs et de la verdure.

La conversation qui s’était arrêtée sous l’impression de l’admiration ressentie, avait repris à bâtons rompus, avec la marche. Lorsque chacun eut épuisé sa provision de souvenirs, on retomba inévitablement dans les dégoûts du métier, mais diverses étaient les sensations. L’un regrettait ses champs, un autre son métier, celui-là, les noces qu’il pouvait faire les jours de paie, celui-ci, une fiancée, tous désireux d’être débarrassés des chaînes de la servitude, mais subissant la chose comme un mal nécessaire, n’élevant pas leur conception jusqu’à envisager la possibilité de la suppression de cet esclavage.

— C’est-il pas enguignonnant tout de même, disait un des camarades de Brossier, d’être forcé de faire le Jacques, quand je pense que sans le foutu numéro qui m’a amené ici pour cinq ans, je serais,