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— Oh ! là, tu vas un peu loin, il me semble.

— Je vais un peu loin ? tu n’as jamais vu porter une punition pour cause de « figure inconvenante » ?

— Si, mais par des imbéciles comme Balan ou Bracquel : cela n’arrive que rarement.

— Mais ils savent si bien que cela ne peut se produire trop souvent, qu’ils sont forcés de lâcher de temps à autre la corde pour nous laisser respirer. S’il fallait appliquer le règlement dans toute sa rigueur, et continuellement… ils savent que ce serait intenable et que la machine péterait, voilà pourquoi, il y a des moments de relâche dans la pression.

— Donc, tu vois bien que la situation n’est pas si noire que tu la fais, et qu’au fond on n’est pas si malheureux que tu veux bien le dire.

— Nous ne sommes pas si malheureux ! parce qu’on a pris soin aussi de faire de nous des gosses qui s’amusent d’un rien, que l’habitude et la crainte de pis encore ont fini par émousser notre sensibilité et que nous ne sentons plus les piqûres du règlement.

Aussi, tout à l’heure, à la théorie, nous avons assisté à un déballage des qualités morales que cette éducation développe chez le soldat. Nous avons entendu Loiseau, Bouzillon et consorts nous raconter des exploits de souteneurs de bas étages,