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— Hé ! certainement. En tant que chefs, je comprends qu’ils s’arrangent de façon à faire de nous ce qu’ils veulent ; seulement ce que je ne conçois pas, c’est que nous, qui n’avons aucun intérêt à ce qu’il y ait des chefs, nous acceptions d’être traités comme des forçats.

Ha ! ha ! les moralistes nous parlent de l’honneur militaire, de la dignité du soldat ; les poètes exaltent les vertus guerrières ; comme on voit bien que ce sont les bourgeois qui écrivent les traités de morale et que ces idiots n’ont jamais endossé une capote, n’ont jamais eu à supporter les rebuffades d’un galonné.

L’honneur, la dignité pour un soldat consiste, en ayant un fusil entre les mains, à rester calme sous l’insulte, à ne pas broncher sous les grossièretés d’une brute dont la manche ou le képi sont cousus de galons ; à obéir, comme une machine, à tout ce qui lui sera commandé.

Le civil qui se laisserait insulter par un goujat serait traité de lâche et regardé avec mépris par ses camarades : le goujat fût-il contre-maître ou patron ; dans l’armée si le goujat est galonné, on n’a même pas la ressource de l’homme sage qui dédaigne l’insulteur : hausser les épaules et tourner le dos ! Le moindre geste, le moindre pli de la figure seraient incriminés !