Page:Grave - La Grande Famille.djvu/177

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Caragut, à l’écart, assistait à ce drame qui venait de se dérouler en un clin d’œil et allait peut-être coûter une vie d’homme.

Et lorsque relevé de faction, il entra au corps de garde, on causait encore de l’incident. On se rappelait la taciturnité de ce pauvre diable, son obéissance passive jusque-là : dire qu’un verre d’eau-de-vie de trop allait l’envoyer aux compagnies de discipline ou au peloton d’exécution : il y avait voies de fait envers un supérieur.

— Ce que ça va porter un coup à ses parents, fit un de ses pays, quand ils l’apprendront ! je suis sûr que, dans l’espoir de lui procurer quelque douceur, ils ont dû beaucoup se priver pour lui envoyer les quelques sous qu’il a touchés hier ; ils ne sont pas riches, et lorsqu’ils sauront ce qu’il lui en coûte, sa pauvre mère est capable de devenir folle.

— Dire que la semaine passée ajouta un autre, j’ai écrit pour lui à ses parents. Il ne savait pas lire et avait chargé, il y a quelque temps, cette rosse de Lorget de faire une lettre pour ses parents, l’imbécile l’avait remplie de cochonneries. Les parents ne sachant pas lire non plus étaient allés chez le curé faire lire la lettre, ce dernier scandalisé, a écrit au colonel et Lorget a attrapé huit jours de clou.