Page:Grave - La Grande Famille.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’autre, ne tenant sur leurs jambes que par un miracle d’équilibre.

Quand ils se rapprochèrent, Caragut n’eut pas de peine à les reconnaître. C’étaient deux Vendéens de sa compagnie et de sa classe.

L’un, nommé Quervan, était un petit brun, trapu et barbu, toujours sombre, comprenant à peine le français, il ne disait jamais rien, obéissant sans répliquer à tout ce qu’il plaisait aux galonnés de lui commander.

Depuis six mois qu’il était au régiment, il venait, pour la première fois, de recevoir de sa famille, un mandat de dix francs. Il l’avait touché la veille et s’était empressé de descendre à Brest avec un pays pour voir d’autres camarades de chez eux.

Les dix francs avaient dû passer en eau-de-vie. Le camarade de Quervan qui paraissait moins saoul ne l’avait évidemment pas ramené sans culbutes, car tous deux étaient couverts de boue.

La tenue était loin d’être à l’ordonnance : l’un avait dans la main les débris de son pompon, la visière de son schako lui pendant dans le dos ; l’autre avait le sien sous son bras avec une de ses épaulettes dedans.

— Hé bien ! mes cochons, se dit Caragut, vous en avez pris une sacrée pistache. Mince alors ! ça pourra compter pour une.