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bonnet, quand ils voulaient me faire de la rouspétance je les envoyais dinguer, aussi, ce que ça m’a semblé dur, quand, ici, il a fallu poser sa chique et faire le mort ! Il me semblait que je ne pourrais jamais m’y habituer ; mais on se fait à tout, et, aujourd’hui je prends mon mal en patience, soupirant bien après « la classe », mais quoi ? il faut bien se faire une raison. J’ai déjà dix-huit mois de faits ; ça se tire tout de même. Et puis, après tout, puisqu’il faut y passer… qu’est-ce que tu veux y faire ?

— Il faut y passer… il faut y passer… Mais pourquoi faut-il y passer ? T’es-tu jamais demandé de quel droit on t’arrachait à tes occupations, à tes amitiés, à tes amours ? de quel droit on te prend les cinq plus belles années de ton existence, pour faire de toi un valet marchant au doigt et à l’œil, subissant les engueulades et les injures d’individus qui, les trois quarts du temps, sont bêtes comme leurs pieds. Ce Bouzillon, qui nous engueule à tous propos, ça baiserait le cul du capitaine, si celui-ci le lui commandait, et dire que nous sommes forcés de subir ses excès de zèle, et ses accès de mauvaise humeur.

Parce qu’ils ont un galon d’or ou de laine sur la manche, te voilà à leurs pieds. Ce qui m’exaspère ce ne sont pas les privations que l’on nous fait en-