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En le racontant à son tour, il se disait que si de pareilles actions sont encore possibles dans un pays comme l’Algérie, conquise et pacifiée depuis longtemps, cela ne peut qu’être pire encore en Cochinchine où la lutte est permanente. Il comptait bien que ses auditeurs ne seraient pas en reste de lui raconter des histoires semblables.

Ce fut Loiry qui partit le premier.

— Figure-toi, mon vieux, j’étais avec un copain, Gélinier, — tu ne l’as pas connu, il est mort à l’hôpital, à Toulon, quinze jours après notre retour en France. — Il avait reçu de l’argent de sa famille : c’était entendu que l’on devait tout boulotter, nous avions donné le mot à trois de ses pays. Sitôt l’extinction des feux sonnée, on devait se retrouver dans la cour, près des cuisines ; il y avait un mur qui s’escaladait facilement, le factionnaire ne pouvait nous voir. En faisant la courte échelle et en tendant la main au dernier, nous eûmes vite fait de sauter de l’autre côté.

À quelque distance de la ville se trouvait une espèce de cahute tenue par des Annamites, l’homme et la femme. Ils vendaient à boire, et servaient de proxénètes, procurant aux soldats quelques congaïs faisant — depuis fort longtemps — métier de vendre leurs caresses aux représentants de la civilisation.