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Caragut allait répliquer : « qu’alliez-vous faire là-bas ? » mais ses réflexions n’étant pas du goût des narrateurs, et ne voulant pas les indisposer de peur qu’ils se refusent à continuer l’exposition de leurs souvenirs, il se contenta de questionner et d’apporter son contingent de souvenirs.

N’en ayant pas de personnels, ce fut ce qu’il avait pu recueillir, jadis, dans les conversations de ceux avec lesquels il avait pu se trouver en contact. Il se rappelait entre autres, une histoire typique que lui avait contée comme en étant l’acteur principal, un voisin, revenu depuis peu du service.

« En Algérie où il se trouvait, se promenant un jour en un lieu écarté, ses pas le menèrent près d’une fontaine, une jeune Arabe y puisait de l’eau ; surprise elle n’eut que le temps de se couvrir le visage de son voile, mais si vite qu’elle eût fait, le zouave vit qu’elle était d’une beauté merveilleuse, il lui offrit de l’argent pour qu’elle se donnât à lui ; mais ayant fait mine de s’enfuir, comme on ne voyait âme qui vive dans la plaine et que le douar de la jolie fille devait se trouver loin, il la prit et la renversa à moitié assommée et la posséda malgré sa résistance. »

L’air de parfaite inconscience avec laquelle le zouave racontait le fait, le considérant comme absolument normal, revenait à la mémoire de Caragut.