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Enfin, à sept heures du soir, on arrivait à Brest. Il faisait nuit, des officiers attendaient en gare le détachement. On se mit en route, on passa les ponts-levis de la vieille citée fortifiée par Vauban. Quelques-uns essayèrent bien de chanter :


On la plumera l’alouette, l’alouette,


mais il n’y avait pas d’entrain, cela sonnait faux, et resta sans écho, les trois quarts étaient enroués, tous tombaient de fatigue.

Arrivés dans la cour de la caserne, ils s’alignèrent, un officier dont on entrevoyait à peine la silhouette, dans la nuit, les harangua. Quelques voix, parmi les recrues, se faisant entendre, l’officier, d’un ton bref, ordonnait de se taire, leur rappelant qu’ils étaient soldats maintenant, et auraient à compter avec la salle de police ou la prison.

Cette voix cassante, s’élevant dans l’obscurité, tombant comme une douche glacée sur le détachement, leur rappela, en effet, qu’ils n’étaient plus libres. Caragut sentit sa poitrine se contracter. La brutalité de la discipline lui apparut dans toute son horreur.

On les emmena dans des chambrées où on leur désigna des lits vacants, sans draps. Hébété, éperdu, ne voyant hommes et choses qu’à travers un brouillard, comme dans un rêve, brisé de fatigue, —