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œil, mais l’incertitude de la situation le retenait toujours sur la pente d’un aveu, et, sa timidité aidant, il renvoyait cela après son tirage au sort, où il serait fixé sur son avenir, étant assez naïf pour croire qu’on ne saurait parler amour à une femme sans qu’il soit question de mariage, mais il n’était pas romanesque au point de croire, par exemple, qu’on l’attendrait pendant cinq ans. Lorsqu’il se vit prisonnier pour cinq ans, il mit donc un crêpe sur ce sentiment, mort avant de s’être épanoui, et se replia de plus en plus sur lui-même.

Le père sorti de l’hôpital, put se remettre quelque temps au travail, mais il ne tarda pas à retomber malade. Espérant que l’air natal lui ferait du bien, il partit, emmenant sa jeune fille, pour l’Auvergne, où des parents vaguement cousins, lui offraient l’hospitalité.

Entre temps, Caragut avait passé la révision. Son air souffreteux, son teint plombé, ses épaules déjà voûtées, lui donnaient l’aspect d’un poitrinaire, les voisins lui prédisaient la réforme ; mais il fut reconnu bon pour le service. Il n’avait plus qu’à se résigner ou à fuir.

Fuir ! c’est ce qu’il aurait certainement préféré, s’il avait eu la moindre relation à l’étranger, et quelque argent en poche. Il avait tellement horreur du militarisme qu’il n’eût pas hésité une seconde.