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le droit à une existence moins précaire, lui tolérant la « poule au pot » le dimanche, une pomme de terre de plus à chaque repas, ils s'imaginent avoir atteint ainsi le summum de justice sociale qu'il soit donné à l'homme d'atteindre ; et, parce qu'ils lui auront reconnu le droit de ne travailler que dix heures par jour au lieu de onze ou de douze, traiteront l'ouvrier d'ingrat, s'il ne sait pas se contenter de ces largesses, et veut obtenir davantage.

Sur quel droit s'appuient-ils pour venir lui demander d'être sobre dans ses réclamations, d'attendre patiemment qu'il soit mort pour que, d'ici deux à trois mille ans, l'état social progresse sans secousse ?

Ces gens-là ne se sont jamais dit que, du moment qu'il fournit sa part de travail, l'individu a droit, non pas à un peu de bien-être, mais à «tout» le bien-être, non pas à un peu de justice, mais à toute la justice, et que sa part ne sera complète que du jour où il ne sera plus forcé de vendre sa force de production à celui qui, profitant de l'ignorance de ceux qui nous précédèrent, de la mauvaise organisations sociale qui en dérive, ont hérité des moyens artificiels d'exploitation pour le pressurer.

C'est que, pour nos réformistes, le principal, avant tout, est que les jouisseurs ne soient pas troublés dans leur digestion.

Pour que s'améliore l'état social, il faut de la sagesse et des sacrifices, ce n'est pas à ceux qui regorgent de tout qu'on va les demander, c'est à ceux dont la vie, déjà, n'est faite que de sacrifices et de privations.