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L’Urugay.

sombre et le remous formé par le navire, paraissait être une fournaise agitée ; la mer, par les temps d’orage, devient beaucoup plus phosphorescente et chaque coup des ailes de l’hélice lançait dans les airs une gerbe de feu. La cheminée, semblable à un dragon de la mythologie, toussait comme un mastodonte malade, et éclairait le pont par intervalles d’une lueur rougeâtre ; le navire tanguait de façon à effrayer des esprits timorés : pour jouir du spectacle dans toute son étendue, je me plaçai à l’extrémité de la proue du bâtiment, et là, cramponné aux cordages du mât de beaupré, comme un naufragé sur une épave, avec un mélange de frayeur et d’admiration, je contemplai le tableau qui se déroulait sous mes yeux. Tantôt soulevé par les vagues, le navire semblait monter dans les nues ; tantôt entraîné sur leur déclivité, il paraissait s’enfoncer dans l’abîme, et les mouvements s’opéraient avec une telle rapidité, que l’air se raréfiait, et que j’avais de la peine à respirer : effet saisissant que ne peut s’ima-