Page:Gras - Trois ans dans l'Amérique du sud, 1883.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.
124
L’Urugay.

terrain. Les voisins sont prévenus, les guitarreros font résonner leurs crincrins criards, la caña coule à flots ; la galerie attentive aux coups que se portent les deux champions, s’échauffe, crie, jure, s’insulte ; bientôt l’assemblée est divisée en deux camps, les couteaux sont tirés, le sang jaillit et plus d’un cadavre jonche le sol.

Ami des dissensions politiques, à la moindre étincelle révolutionnaire, le gaucho est sur pied, enrubanné de rouge ou de blanc. Un couteau attaché au bout d’un bambou lui donne une lance ; il est heureux, il est dans son élément : il peut tuer, piller, voler, manger de l’asado con cuero.

La civilisation le fera disparaître.

L’asado con cuero est une tranche de bœuf, coupée dans l’animal même, sans l’avoir écorché ; cette viande est rôtie, en mettant la partie poilue sur les braises ; de cette façon elle conserve tout son jus et est réellement succulente ; c’est un grand régal pour les habitants de la cam-