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L’Urugay.

bouteille de Moët, quand je dis une, cela veut dire plusieurs, bue en charmante société, avait pour moi plus d’attraits que le cours de psychologie du professeur L…

Je préférais, couché sur un divan du café vénitien, suivre avec une insouciance quasi orientale les spirales formées par la fumée d’un puro de la vuelta abajo, et les bocks de bière s’engouffraient plus facilement dans mon appareil digestif que n’entraient dans mon cerveau les articles du code Delebecque.

Aussi un beau jour, fatigué de mon existence, honteux des entraînements auxquels je me laissais aller, dégoûté de la société, je pris le parti d’aller régénérer mes idées dans les plaines libres de l’Amérique du Sud. Entreprise téméraire ! Mettre trois mille lieues entre soi et sa famille, sans argent, ignorant l’espagnol, langue du pays, se lancer dans une région où tout est sauvage, les chevaux, les vaches, les moutons, les hommes, et cela à l’âge de vingt trois-ans, sans expérience