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S’EN VA LA MÉMOIRE.

— Eh ! bonjour, ma filleule, s’écria M. Dumolard ; venez vite embrasser votre parrain. Qu’elle est donc jolie, ma filleule ! On la prendrait déjà pour votre sœur, tant elle est embellie, ajouta-t-il en se tournant vers madame Perrin.

— Flatteur, dit la mère en minaudant.

— Ah ! ça, vous n’oubliez pas, reprit M. Dumolard, que vous dînez tous chez moi demain ? Mon neveu y sera ; mon gaillard est en train de finir son stage ; vous le pousserez, monsieur le député.

— Nous en parlerons ce soir ; car si nous dînons chez vous demain, vous dînez tous ici aujourd’hui.

Quelques électeurs entrèrent, et les dames Perrin s’esquivèrent.

— Le neveu Gustave y sera ; as-tu entendu, ma fille ? dit la mère.

— Oui, maman, répondit Alphonsine en baissant les yeux.

La rougeur qui se répandit sur son front révélait tout un secret de famille. Depuis longtemps les deux associés, Perrin et Dumolard, avaient conçu le projet de resserrer leurs liens commerciaux par une plus intime union ; les paroles étaient échangées ; et si les jeunes gens n’en avaient rien appris, il est permis de croire qu’ils l’avaient deviné.

À cinq heures, M. Dumolard entra d’un bond dans le salon de la famille Perrin.

— Victoire ! s’écria-t-il tout essoufflé. La nomination est enlevée à cent vingt-trois voix de majorité.

Ce furent pendant un quart d’heure mille embrassements, après lesquels M. Dumolard partit pour réparer sa toilette, toute ébouriffée par la bataille électorale. Mais, quand il