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IL FAUT AMADOUER LA POULE

qu’elle déploya d’une main égarée par le désespoir. Elle tomba sur les passages les plus échevelés :

« Ô mon hange ! ô ma perle ! sais-tu bien que ma destinée est antièrement confondue dedans la tienne ? Oui, jeune fille, tu est mon incendit, mon Vésuve ! Grasse à toi, hange d’essieu, mon existance est enivrante, haromatique comme l’Arabie ; il me semble que tout est autour de moi vanille, amande douce, crème de rose, Portugal…

« Zéphyrin, artiste en cheveux. »


Euphrosine aussi était artiste ; — artiste en corsets.

— Et il me trahit ! ajouta-t-elle, et pour qui ?… Pour une personne qui pesait cent soixante-dix-neuf livres sept onces et neuf gros à la dernière fête de Saint-Cloud… Ah ! le…

Elle n’acheva pas.

Elle ferma le tiroir aux lettres, boucha hermétiquement la fente de sa porte et sa fenêtre à tabatière, renversa la braise sur un fourneau, et quand tout fut prêt… elle prit son accordéon, et se mit à entonner le chant du cygne, en jouant dans les cordes lugubres de l’instrument, dans l’octave du canard.

L’accordéon se tut, et l’instrumentiste se décida à vivre encore une nuit ; mais c’était la dernière, oh ! oui, la dernière, à moins pourtant que…

Elle souffla sa chandelle et s’endormit.

Le lendemain, elle descendit à la boutique à l’heure ordinaire ; mais elle eut beau regarder dans la rue, cherchant à apercevoir Zéphyrin, elle n’aperçut rien, et la pudeur ne lui permit pas de rester plus longtemps sur le seuil de la porte.

Vers les dix heures du matin, on vit paraître dans la