Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
373
ON S’HABITUE.

un discours pour l’arrivée du seigneur. Le discours aura son tour ; il a bien trouvé la rosière.

— Bonjour, mère Simonne, dit-il en entrant.

— Dieu vous garde ! monsieur le bailli.

— Je viens vous apporter une bonne nouvelle. Le seigneur arrive dans un mois ; il nous faut à tout prix une rosière : j’ai choisi votre fille.

— C’est beaucoup d’honneur pour nous, monsieur le bailli.

— Dites-moi, mère Simonne, n’avez-vous jamais vu personne rôder autour de votre fille ? c’est que, voyez-vous, je suis très-sévère en fait de rosières, et si…

La mère Simonne allait répondre, lorsque tout-à-coup un bruit de tambour se fait entendre : Plan, ran, plan, plan, ran, plan. C’est le sergent Latulipe qui arrive à la tête de son escouade ; de beaux grenadiers, ma foi ! habits et pantalons blancs, revers bleus, le tricorne fièrement posé, la queue bien faite et les cheveux soigneusement poudrés. Tout le village s’est levé pour les voir passer.

Latulipe donne le mot d’ordre au bailli ; il vient dans le pays pour le recrutement. Le roi a besoin de beaucoup de grenadiers ; on se bat dans le Palatinat ; qui ne brûlerait de partager les dangers des défenseurs de la patrie ? Latulipe compte sur la bonne volonté de la jeunesse et sur l’assistance des cavaliers de la maréchaussée.

Le bailli a remis des billets de logement à la troupe ; Latulipe tiendra garnison pour le moment chez la mère Simonne. Imprudent bailli, qui va loger le plus galant des sergents chez la plus jolie des rosières ! Qui ne connaît le fameux Latulipe ? l’histoire est pleine de ses exploits mili-