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À L’AMOUR ET AU FEU

son cousin tout son système de séduction. Quand on veut faire la cour à une femme, on commence par la regarder bien tendrement, puis on essaie de lui parler ; si elle répond, on lui serre la main, et on soupire. Si le lendemain est un dimanche, on lui présente des fleurs et on l’invite à la danse. Le matin, quand elle conduit ses moutons au pâturage, on se trouve comme par hasard dans la prairie, on entame l’entretien par quelque flatterie adroite ; on s’asseoit auprès d’elle, on lui dit : Je vous aime, et on lui prend un baiser.

C’est à cet endroit de la leçon qu’Alain s’est écrié : Je n’oserai jamais !

Ne jamais oser ! Charmante conviction de la jeunesse, naïveté, candeur, timidité de l’adolescence, les premiers feux de l’aurore ont moins de grâce que vous ! Léveillé, lui aussi, a cru qu’il n’oserait jamais ; il a eu peur, il a reculé devant un premier baiser ; mais depuis… Pourquoi Alain ne serait-il pas comme lui ? pourquoi ne s’habituerait-il pas à l’amour ? Il n’en sait rien lui-même. Le fait est qu’Annette vient de passer tenant son fuseau à la main ; ses brebis la suivent ; elle se dirige vers le petit bois qui borde la rivière. L’occasion est belle, Léveillé ne manquerait pas d’en profiter ; mais Alain se souvient que c’est l’heure où M. le curé l’attend ; il s’enfuit, il plante là son professeur. Essayez après cela d’apprendre l’amour aux jeunes gens.

M. le bailli s’est rendu de grand matin chez la mère d’Annette ; il roule une grande pensée sous sa perruque à marteaux ; sa figure est soucieuse, sa démarche solennelle ; il se drape majestueusement dans son manteau de serge noire ; il médite deux choses importantes, une rosière et