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UN BARBIER RASE L’AUTRE.

Figaro. — Malepeste, quelle fureur ! Charmante gitana, qui donc cherchez-vous ainsi ?

La Chicharona. — Tu le sais bien, maudit barbier ; c’est madame l’alcade, c’est cette Colindrès de malheur. Où se cache-t-elle ? Je la veux anéantir !

Figaro. — Tout doux, tout doux, ma belle amazone ; prenez garde à mes carreaux, et ne gesticulez point de la sorte. Je n’ai jamais, que je sache, logé madame Colindrès. Mais, pour Dieu, que vous a-t-elle fait ?

La Chicharona. — Ce qu’elle m’a fait ! Elle veut me prendre ce que j’ai de plus cher. Elle écrit des billets doux à mon brave toréador. Jour de Dieu ! Don Ramon n’est pas pour elle. Mais c’est assez qu’elle y ait songé ; je l’arrangerai de la belle sorte. Encore une fois, où est cette femme ?

Figaro. — Je n’en sais, ma foi, rien… Cependant vous m’étonnez fort, Chicharona, et j’aurais soupçonné quelque autre belle d’en conter à Don Ramon.

La Chicharona. — Une autre ! dites-vous. Et qui cela, s’il vous plaît ?

Figaro. — J’ai là-dessus mes petites idées… (Feignant de se raviser.) Ce billet dont vous parlez, l’avez-vous encore ?

La Chicharona. — Sans doute. Je l’ai gardé pour le faire avaler à celle qui l’a écrit.

Figaro.— Voyons-le, par grâce. (Elle le lui donne. — Après l’avoir parcouru :) Justement… Je ne m’étais pas trompé.

La Chicharona, étonnée. — Quoi ? comment ?… Cette femme… ce n’est pas ?…

Figaro. — Au contraire : c’est celle que je pensais… Prenez garde, Chicharona, la colère vous aveugle, ma bonne amie.