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AIGRIT GRAND’PATE.

rent pour saisir leurs armes accrochées à la muraille ; mais le secrétaire, ôtant sa barette et s’inclinant avec un respect profond :

— Sire, — dit-il, — vous êtes reconnu. Messeigneurs, ne tentez point une défense inutile ; nos ordres sont précis. Morts ou vifs, le duc mon maître vous veut avoir.

Un coup d’œil aux fenêtres convainquit en effet les voyageurs que toute résistance serait superflue. Sir Foulk d’Oyley, sir Thomas Multon et Richard Cœur-de-Lion rendirent en frémissant leurs épées.

En sortant de l’auberge ils virent, derrière la triple rangée de soldats qui allait les envelopper, la petite Égyptienne aux yeux méchants, dont leur capture était l’ouvrage. Cœur-de-Lion, toujours violent, étendit vers elle sa main gantée de fer ; mais la Zingara, conservant sur ses lèvres un sourire vindicatif :

— Souviens-toi, — lui cria-t-elle en anglais, — du drapeau de Saint-Jean-d’Acre !

Elle faisait allusion à l’ordre insolent donné par Richard de jeter dans un égout la bannière allemande, plantée sur une tour dont le duc Léopold s’était emparé.


Pour ces deux insultes, — toutes deux d’assez peu d’importance, — Richard passa quatorze mois dans la forteresse de Worms. Il fut cité devant la Diète Germanique, et obligé de répondre à des accusations de meurtre. Son royaume tout entier s’épuisa pour fournir les cent mille marcs de la rançon exigée. Entin la couronne d’Angleterre fut doublement humiliée devant le sceptre impérial et devant Philippe-Auguste ; — Cœur-de-Lion d’une part, et Jean