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PEU DE LEVAIN

Tous les trois étaient pauvrement vêtus ; mais la noblesse de leur démarche, leur ton bref et résolu, leurs commandements brusques et hautains laissaient soupçonner en eux des hommes accoutumés à l’autorité. L’un d’eux surtout parlait à ses compagnons avec une impérieuse familiarité, dans une langue que ne comprenait point le hofmeisfer, déjà inquiet. Voyant toutefois qu’il avait affaire à des soldats fort habitués à se faire comprendre par gestes, il déploya pour les servir une activité remarquable.

Nonobstant ce bon vouloir forcé, les préparatifs du dîner qu’avaient commandé ses hôtes les effrayèrent quelque peu. L’impéritie culinaire du brave homme se révélait de reste à chacun de ses mouvements, et la propreté fort équivoque de ses mains ajoutait aux anxiétés des voyageurs.

— Par le ciel ! sir Foulk, — s’écria celui d’entre eux qui donnait le plus librement son avis, — le drôle que voici, avec ses doigts gras et sa rustique façon d’apprêter cette oie, va me faire prendre en grand respect, non pas la cuisine, mais la Diète allemande.

Sir Foulk salua d’un grand éclat de rire cette plaisanterie, qui avait une portée politique. Se tournant alors vers son autre compagnon :

— Sir Thomas, — reprit le joyeux voyageur, — vous qui savez l’allemand, ne pourriez-vous donner quelques conseils à notre hôte ? sa volaille ne sera pas mangeable.

Sir Thomas s’excusa de son mieux sur son ignorance profonde en ces matières.

— Par la sainte croix ! — reprit alors le compagnon de sir Foulk et de sir Thomas, — je vais donc moi-même lui