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PAPIER DE FOU.

Don Luis. — La chose est simple, Monsieur ; si vous aviez l’œil à tout, comme moi, les lois seraient mieux exécutées. Croiriez-vous bien qu’une couronne de diamants m’a mis sur la voie de tout ceci ? Cette couronne ornait le front de dona Séraphine Tellez. Lui voyant une parure si fort au-dessus de sa condition, je me mis en tête de savoir ce qui en était. Quelques louanges adroites, mêlées d’insinuations qu’elle devait avoir à cœur de repousser, me livrèrent bientôt ce secret… À propos, fiscal, je vous dénonce Almeïda comme un des plus riches gentilshommes du Portugal.

Le Fiscal. — Y pensez-vous, Monseigneur ? la ruine de cette famille…

Don Luis. — Est un conte forgé à plaisir pour éviter les confiscations et les taxes. Dès demain vous ferez fouiller la maison du marquis, et si vous n’y trouvez pas de quoi défrayer nos troupes pendant un mois, je consens à passer pour un visionnaire… Mais revenons : cet incident me fit remarquer l’absence du prodigue amoureux, et je m’étonnai qu’il ne vint pas jouir du triomphe de sa maîtresse. Mes questions d’ailleurs alarmèrent tellement dona Séraphine, que j’entrevis là dessous un mystère quelconque ; et, sans insister maladroitement, je m’arrangeai pour la faire interroger par quelques-unes de ses amies les plus intimes. À l’une, elle parla d’un homme qui avait « coupé l’unique branche d’un tronc illustre. » — Or, mon cousin, le fils unique du chef de ma maison avait été tué ce matin même, en duel, par don Alvar de Benavidès. Avec l’autre, il fut question d’un audacieux qui avait « porté ses regards sur un astre dont les rayons donnent la mort. » — Il ne