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LÀ OÙ SONT LES POUSSINS

sais comment cela se fait, mais un flot de spectateurs les sépare de leur tante. N’avaient-elles pas compté là-dessus ? Ne mirent-elles pas un peu de bonne volonté dans cette séparation ? C’est à ceux qui connaissent mieux que nous le cœur des femmes qu’il appartient de décider.

Ernest et Eugène attendaient les roses rouges, adossés contre un pilier ; ils sentirent tous les deux au même instant une main qui froissait leur domino ; mais ils ne cherchèrent pas à deviner d’où venait cette pression. Que faisaient pendant ce temps-là les deux roses rouges ? Elles cherchaient la bruyère blanche. Mais pas la moindre bruyère qui fleurît à l’horizon.

— Où sont donc nos deux chères roses ? se demandaient les deux bruyères.

— Ernest, ne vois-tu rien venir ?

— Eugène, aperçois-tu quelque chose ?

Le bal touchait à sa fin ; les deux fleurs ne s’étaient pas rencontrées.

— Ce sont des infidèles, disait Soledad à sa sœur.

— Ce sont des coquettes, murmurait Eugène à Ernest. La senora Montes avait rejoint ses deux nièces.

— Malheureux coiffeur ! dit-elle quand elles furent en voiture, vos roses ne sont plus dans vos cheveux ; il les a si mal attachées qu’elles sont tombées, je parie, avant votre entrée au bal.

Soledad et Miranda ne répondirent rien.

— Pauvres amis ! pensèrent-elles, que vont-ils s’imaginer ?

En quittant leurs dominos, Eugène et Ernest s’aperçurent que la bruyère n’y était plus.

— Que vont-elles croire ? se dirent-ils ; attendons à demain pour nous excuser.

Chaque jour cependant l’amour s’accroissait de toutes