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LÀ OÙ SONT LES POUSSINS

filles jettent de temps en temps, en causant, un coup d’œil furtif vers la fenêtre.

— Sais-tu, Miranda, ce que j’ai rêvé cette nuit ?

— Et moi ?

— J’ai rêvé que j’étais à Paris.

— C’est justement ce que j’ai rêvé aussi.

— J’étais au bal, et je dansais avec un jeune homme qui ressemble

— À qui ?

— À l’un de ces jeunes gens, reprit Soledad en hésitant, que nous apercevons là-bas à la fenêtre.

— J’étais aussi au bal, continua Miranda ; je dansais comme toi avec

— Avec qui ?

— Avec un de ces voyageurs, répondit-elle avec autant d’hésitation que sa sœur, que nous voyons d’ici à la fenêtre.

— Si nous l’aimions toutes les deux ! s’écria Miranda incapable de se contenir. Quel est son nom ?

Soledad tira un petit billet de son sein, et elle en montra la signature à Miranda, qui lut : Eugène.

Miranda montra à Soledad un poulet soigneusement plié, et signé : Ernest.

Se regarder, s’aimer, s’écrire, il est impossible de mieux faire l’amour à l’espagnole. Voilà, nous direz-vous aussi, une tante par trop tutrice ; elle laisse ses nièces recevoir des billets doux sous son nez ; l’amour se glisse au logis sans qu’elle s’en aperçoive. Vous allez nous montrer quelque vieille femme au chef tremblant, au nez crochu, aux lunettes vertes, une duègne exhumée de Lesage, qui ne voit