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SOUVENT SE TIENT LE DIABLE.

Jacques Maubertin rentra, et le célibataire prit congé de madame de Fernange.

— Eh bien ! qu’en dis-tu ? s’écria le prétendu quand ils furent seuls.

— Je dis que ta Rosine est une rosière. À un château elle préfère une chaumière ; à un hôtel, une maisonnette ; à une calèche, la promenade au fond des bois, à pied, mais à deux.

— Oui, quand le second est moi, son futur mari. Oh ! je n’ignore rien ; je sais que madame de Fernange préfère à un bal le coin du feu ; à un manteau de velours, un châle de laine ; à des laquais poudrés, une bonne en socques ; aux vaudevilles de MM. Duvert et Lausanne, les homélies de M. l’abbé Combalot ; aux plaisirs des eaux, les soins de son ménage. Bref, elle a les grâces d’une païenne, unies à l’âme d’une abbesse.

— Diable ! que de vertus chez une femme si jeune et si jolie !

— Et cet ange va m’appartenir, à moi, qui ai quarante ans déjà et seulement quarante mille livres de rentes avec. Mais, mon ami, si nous trouvons une autre Rosine, celle-là sera pour toi.

— Merci, mon cher ; j’ai failli me marier il y a dix ans, et j’ai rompu les négociations, tout simplement parce que ma femme avait trop de qualités. Or, ta fiancée en a deux fois davantage ; c’est quatre fois plus qu’il n’en faut.

Le lendemain, Étienne retourna chez madame de Fernange, et le contrat fut signé le soir même. Jacques se demandait si Dieu, voulant faire un miracle en sa faveur, n’avait pas logé le paradis rue de Provence.