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RIEN N’EST BON

de notre mariage, vous paraissiez vous plaire à un exercice qui ne peut, je crois, qu’être utile à votre santé ; vous montiez à cheval, et tout le monde admirait votre grâce et votre dextérité. À présent, je suis obligé d’aller galoper seul au Bois, et j’ai la douleur de penser qu’il me faudra bientôt vendre Thecla, cette jument arabe que j’avais achetée pour vous et qui reste quelquefois huit jours sans sortir de son écurie.

— Que voulez-vous ? l’équitation me déplaît comme tout le reste : j’aime mieux demeurer oisive que de m’abandonner à des exercices qui ne sont plus des distractions pour moi. Exigez-vous donc que je chante, que je peigne ou que je monte à cheval avec une âme chargée d’ennuis et de tristesse ?

— Non, sans doute, ma chère Juliette, reprit M. de G. en souriant, et mon vœu le plus cher aujourd’hui, comme au premier jour de notre union, est qu’avant toutes choses vous ne subordonniez vos actions qu’à votre seule volonté.

Peu de jours après cet entretien, la comtesse de G. se sentit atteinte de vapeurs, de frissons et de maux de nerfs qui lui donnèrent quelques inquiétudes sur sa santé. À peine avait-elle commencé à se plaindre, que le célèbre docteur L., en qui le comte avait pleine confiance, était déjà à ses côtés et l’interrogeait avec anxiété sur le genre de malaise qu’elle éprouvait.

Quand elle eut achevé de dérouler aux yeux du docteur le chapitre de ses souffrances, celui-ci lui dit du ton grave d’un homme sérieusement inquiété :

— J’espère, Madame, que vous ne chantez jamais : je remarque que vous devez avoir le larynx très-susceptible,