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QU’IL ARRIVE DES PARRAINS.

ouvrage dramatique, bien qu’il fût âgé de quarante ans à peine.

— Je ne vous demande pas de me remettre une de vos pièces, lui dit Geronimo d’un ton d’humilité, puisque vous avez, dites-vous, juré entre vous par le Styx de ne plus travailler pour moi ; mais permettez du moins que cette vieille farce, qui m’est par hasard tombée sous la main, paraisse sous votre nom. Ce ne sera pas violer votre promesse ; vous sauverez ainsi un pauvre homme qui est sur le bord du précipice, et je pense que le Styx ne s’en offensera pas.

— Quelle proposition venez-vous me faire là ? s’écria le poète en agitant avec fureur sa main qui soutenait un chapelet magnifique de macaroni. Qui ? moi, j’irais signer de mon nom une misérable rapsodie qu’il vous a plu de tirer de la poussière ! Que diraient le mont Parnasse, Apollon, le cheval Pégase, le Permesse et les Neuf Muses, envoyant s’avilir de la sorte le grand poète Burchiello, l’auteur de… de…

Il commençait à énumérer les titres de ses cinq cent soixante-dix-neuf pièces, ce qui eût beaucoup retardé le pauvre Geronimo Passavanti. Voyant qu’il n’y avait rien à espérer du côté de Burchiello, le directeur se tourna vers Pandolfo, Dottori, Binoccini, Cocodrillo, et beaucoup d’autres poètes qui se trouvaient réunis dans le café ; mais chaque fois qu’il déroulait son manuscrit du Triomphe des Masques, tous lui riaient au nez, et l’accablaient de railleries et de dédains.

Passavanti ne savait plus à quel saint vouer son théâtre ; sa peine était d’autant plus sensible que, dans ce temps-là,