élancé dans un cabriolet qui l’attendait, il a fouetté le cheval sans vouloir me répondre.
La comtesse fit un geste d’impatience et ordonna à Rosalie de se retirer ; elle voulait être seule pour songer à ce qui venait de se passer. La porte de la chambre se rouvrit au même instant, le comte parut :
— Êtes-vous prête, ma chère ? dit-il à sa femme, sans remarquer son agitation. D’abord, que je vous fasse mon compliment sur votre coiffure, elle est ravissante ; Leblond s’est surpassé aujourd’hui.
Elle ne répondit rien, et sortit avec lui.
Au bal elle fut distraite, préoccupée ; longtemps même elle refusa de danser : tous les hommes qui se présentaient lui semblaient maussades, ridicules, sans grâce et sans physionomie. Elle n’osait s’avouer à elle-même à qui elle pensait.
Enfin, vers deux heures, quelqu’un vint se placer devant elle pour l’engager à danser.
— Madame la comtesse voudra-t-elle bien accepter pour cavalier l’infortuné Télémaque Saint-Preux ?
Elle tressaillit et faillit laisser échapper un cri ; elle avait reconnu le garçon coiffeur, qui n’avait rien changé à son costume.
— De grâce, Madame, dit-il ne grondez pas trop ce pauvre Leblond. Je lui ai promis vingt-cinq louis, s’il voulait me laisser prendre sa place auprès de vous ; nous sommes en carnaval, me pardonnerez-vous ?…
— Oui, Monsieur, dit-elle d’un ton glacé, à condition que vous ne m’adresserez la parole de votre vie, si vous ne voulez que j’instruise mon mari de tout.