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DERRIÈRE LA CROIX

cette lettre en murmurant quelques paroles à demi-voix.

— Quoi ! de mon vieil ami Jacques Maubertin !… « Quand on a traduit Virgile sur les mêmes bancs à Sainte-Barbe, on ne saurait se marier sans… » Il se marie ! lui ! il m’invite à l’assister en qualité de témoin ! Ah ! mon Dieu ! Madame Gauthier, vite mon habit le plus noir, ma cravate la plus blanche, mon gilet le plus beau, mes gants les plus jaunes, mon chapeau le plus neuf… Je ne déjeune pas.

Étienne Galabert s’habilla à la hâte, descendit l’escalier, sauta dans un cabriolet de place, et cria au cocher, en lui glissant une pièce de cent sous dans la main : Rue de Provence, 40 !

Au bout d’un quart d’heure, Galabert s’arrêtait devant une maison de belle apparence, et bientôt il entrait dans un appartement coquet, au premier sans entresol.

— Tu te maries ! s’écria Étienne aussitôt qu’il aperçut son ami. Bien sûr tu te maries, toi ? Toi qui, comme moi, remerciais chaque jour Dieu de t’avoir conservé célibataire en te faisant naître rentier ?

— Je me marie, et tu ferais comme moi s’il pouvait y avoir deux Rosine dans le monde, répondit Jacques.

— Ah ! elle s’appelle Rosine ?

— Rosine de Fernange. Quelle femme, mon ami ! Elle a toutes les grâces, comme elle a toutes les vertus de son sexe.

— C’est-à-dire que tu en es amoureux ?

— Je lui rends justice… D’ailleurs tu la verras.

— Où donc as-tu rencontré cette merveille ?

— Ici, rue de Provence, 40, au premier. Ah ! Étienne,