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MOINEAU EN MAIN

— Tu soupes avec nous, dit le dramaturge au citoyen de la rive gauche.

Léon avait résolu de réunir tous ses amis à table. Le rendez-vous était à minuit ; à huit heures du matin on entendait encore le bruit des toasts et les détonations du vin de Champagne. Le souper coûta douze cents francs. Léon traita ainsi huit jours de suite tous ses admirateurs.


Paul le rencontra six mois après son succès ; trois autres drames avaient pendant ce temps accaparé successivement l’enthousiasme du public.

— Combien t’a rapporté ta pièce ? dit Paul à son ami.

— Environ quinze mille francs.

— Il se pourrait ? Alors te voilà en fonds pour deux ou trois années au moins.

— Du tout ; avant ma pièce, je devais vingt-cinq mille francs, et j’en dois trente maintenant. Mais n’importe, j’ai deux autres drames en répétition ; puis j’ai plusieurs romans sous presse, des mémoires, des voyages… Et toi, mon pauvre Paul, toujours fidèle au quartier latin, que fais-tu maintenant ? où vas-tu de ce pas ?

— Je me rends dans la rue des Postes, où je dois donner une répétition de grec, et je passerai ensuite au Journal des Savants, où j’espère publier un article… J’ai sous presse plusieurs traductions, deux histoires à l’usage des classes, un programme pour les bacheliers…

— Et combien as-tu gagné avec ta plume depuis notre séparation ?

— Dix mille francs environ.

— Dix mille francs ! s’écria Léon en éclatant de rire.