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QUI VEUT ÊTRE RICHE EN UN AN, ETC.

de leur front nulle peine n’avait encore laissé trace de son passage. D’autres étaient parvenus à cet âge où la force égale le désir ; deux ou trois, les moins jeunes de tous, passaient leur main distraite dans les flots d’une chevelure où les soucis et le travail commençaient à semer leurs fils d’argent. Ceux-ci regardaient avec un sourire grave et rêveur fuir les spirales bleues des panatelas embrasés ; ils savaient que les belles années de la jeunesse passent comme la fumée.

Le vent sifflait avec force dans la rue, la pluie fouettait les volets clos, un feu clair pétillait dans la cheminée ; l’heure, le lieu, le temps, tout était propice aux causeries intimes.

— Ma foi ! vive la joie ! s’écria un jeune homme nonchalamment couché sur une ottomane. Le matin je broche des vaudevilles avec les plumes du ministère, le soir je griffonne des feuilletons sur le papier du ministère, et le trente du mois j’émarge cinq cents livres au trésor public en qualité de chef de bureau : c’est doux et facile !

— Parbleu ! mes chers, reprit un autre, blotti au fond d’une ganache, on a calomnié l’existence. Parole d’honneur, elle est bonne personne. J’ai un entresol, dix mille livres de pension, trois mille écus de crédit et un cœur presque neuf ; si tout cela ne fait pas le bonheur, le bonheur est un malotru.

— Et toi, que fais-tu ? reprit un buveur de thé en s’adressant à un gros garçon rose et joufflu qui avalait méthodiquement des verres de punch.

— Moi ? J’attends.

— Quoi ?