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QUI VA CHERCHER DE LA LAINE

d’un bleu nacré ; quelques chaumières blotties au pied de la colline comme des nids d’oiseaux sous un buisson, trahissent leur présence par de minces filets de fumée flottant entre les arbres. Le vent se joue dans les feuilles, le grillon sous la luzerne, l’eau sur les cailloux.

Trois hommes sont assis autour d’une table, dans une maisonnette dont les fenêtres curieuses s’ouvrent sur la vallée. Des fleurs s’épanouissent dans des vases de porcelaine blanche, le linge est parfumé de lavande et de romarin, les carreaux sont luisants ; tout est frais, propre, souriant dans ce réduit.

Les trois convives mangent de bon appétit ; l’un d’eux surtout ne refuse rien de ce qui lui est offert ; poisson, gibier, légume, tout est accepté avec le même empressement. Celui-ci est le plus jeune ; cependant la souffrance et la fatigue ont déjà flétri son visage ; les deux autres portent le costume aisé d’honnêtes campagnards, forts, dispos et gais. Ils regardent parfois leur camarade avec un sourire amical et doux.

— Veux-tu, frère, cette aile de perdreau ? dit l’un.

— Oui, mais je prendrai l’autre aussi. — Cette caille dodue te plairait-elle ?

— Elle me plaît avec sa voisine.

— Trouves-tu que cette omelette ait bonne mine ?

— Je croirais lui faire injure si je ne l’accueillais pas aussi bien que ce brochet.

Et le jeune convive ne laissait pas ses dents oisives.

Cependant au bout d’une heure son activité se ralentit. Il se renversa sur son fauteuil d’osier.