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DE PLUS PETIT QUE SOI.

d’un enfant de l’Auvergne. Il ne se passait presque pas de jours où il ne fît le trajet du faubourg Saint-Honoré au quartier Saint-Marceau ; et comme il avait la jambe plus agile et plus légère que jamais, ces courses ne nuisaient en rien à son service.

Un jour qu’il arrivait comme à l’ordinaire chez Belrose, on lui annonça que le pauvre homme était au plus mal. Désespéré et voulant au moins l’embrasser une dernière fois, Jacques s’élance dans l’escalier, et, en entrant dans la chambre du malade, il est suffoqué par une forte odeur de fumée.

— D’où vient cela ? dit-il à Belrose.

— Hélas ! répond le vieux chasseur d’une voix languissante, la cheminée n’a pas été ramonée de tout l’hiver ; je me suis plaint ce matin ; mais mon hôtesse, à qui je dois plusieurs mois de loyer, a déclaré que, pour le peu de temps qui me restait à vivre, cette nouvelle dépense était superflue.

À peine Jacques a-t-il entendu ces paroles que, saisi d’indignation, il met de côté son habit bleu de ciel et sa cravate blanche, il s’arme d’un balai et d’un instrument tranchant qu’il trouve par hasard sous sa main, et, malgré les efforts de Belrose pour le retenir, il s’élance dans la cheminée en entonnant une chanson d’Auvergne. En descendant, il se place devant l’ex-chasseur, la face barbouillée, les cheveux remplis de suie :

— Me reconnais-tu maintenant, lui dit-il, mon vieil ami ? Me voici tel que j’étais quand tu me pris autrefois sous ta protection et me sauvas des mains de ces damnés domestiques qui voulaient me faire un mauvais parti. Je